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15 Jun

Les songes du sel - Sfax - Tunisie 2009

Publié par Jean-Loup de Sauverzac  - Catégories :  #TEXTES SUR LE SEL

Les songes du sel

Le visible ouvre nos regards sur l’invisible. 

Anaxagore de Clazomènes

 

Dans l’Athanor de la matière, chaque forme émergée du chaos se souvient de sa naissance, et, s’interrogeant sur ses devenirs, rêve à d’autres transmutations. Car la matière est vivante, et toutes ses formes sont les éphémères instantanées, instants à naître, instants nouveaux -nés, des tensions d’un mouvement perpétuel de la nature animée par le souffle de l’Anima Mundi.

 

Ces formes, d’apparences ordinaires et inertes, offrent à celui qui sait les regarder la révélation de leurs visages énigmatiques, de leurs danses oniriques, de leurs étranges écritures. J’avais gardé de mon premier périple autour de la Mer Morte une fascination pour ces mystérieuses écritures recuites aux feux du ciel et laissées par l’eau et le vent dans les drapés des champs de sel.

 

L’eau gorgée de sel est magicienne... D’une vague irisée de sel, de quelques frémissements de ses doigts lumineux aux fluides lenteurs, elle vous transforme un bon gros rocher pensif et lourdaud en coffre aux trésors aux chatoiements lumineux, d’un éboulis de pierres elle vous fait une cathédrale engloutie, d’une ribambelle de cailloux une fresque d’opales aux reflets changeants.  Des formes familières ou étranges, et des visages apparaissent puis s’évanouissent comme dans un rêve. Sur les sols arides aux ocres mille fois brûlés, l’eau, repue de sel, s’alanguit en nappes d’écumes chatoyantes, s’épuise dans sa délivrance et s’évapore, confiant au sel qu’elle a porté en elle l’empreinte de son âme …Animula, vagula, blandula.

 

Dans les paysages du sel, écritures, signes et traces s’unissent en un poème visuel à la gloire de la vie. C’est à l’artiste de savoir les saisir dans leurs secrètes beautés, de les accoucher de leurs désirs de transcendance en hommage aux jardins d’Eden perdus et, par fragments, retrouvés.

 

Lorsque qu’une de ces images infiniment renouvelées par la Nature se révèle à mon regard, elle provoque en moi des résonances intérieures et d’étranges mydriases : je la vois s’agrandir, se libérer de son cadre et de son support. Elle flotte dans l’espace pour devenir fenêtre ouverte à l'imagnaire, invitation au voyage. Par elle je m’évade de la prison de mon ego pour retourner me fondre en ces paysages infinis de l’âme du Monde.

 

Alors, pour moi, ces vers du grand poète Saint John Perse prennent tout leur sens :
Au bruit des grandes eaux en marche sur la terre, tout le sel de la terre tressaille dans les songes.

 

© Jean-Loup de Sauverzac
Maison de France - Sfax mars 2009


 

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